Une rétrospective dédiée à l’actrice Bette Davis est à l’affiche du Festival La Rochelle Cinéma.
Née en 1908, Bette Davis débute à Broadway en 1929, avant de tourner son premier film à Hollywood, en 1931. Son jeu d’une variété dramatique inédite, l’audace de ses choix de rôles et son pouvoir au sein de l’industrie font d’elle une figure sans précédent parmi les actrices hollywoodiennes de l’époque. Son dernier film sort en 1989, achevant une carrière d’une longévité exceptionnelle. Pour sa 51ème édition, le Festival La Rochelle Cinéma présente une rétrospective de neuf films de la star, de "l’Intruse" (1935) à "l'Argent de la vieille" (1972). Repérée à Broadway par le studio Universal, Bette Davis a pourtant du mal à s’imposer à ses débuts, en raison d’un physique trop peu glamour pour le grand écran. Accueillie à la RKO, c’est finalement à la Warner Bros qu’elle se forgera une nouvelle personnalité au début des années trente, où elle est l'objet des attentions maniaques des coiffeurs et costumiers du studio.
Michael Curtiz comprend alors ce que le jeu de Bette Davis a de singulier: il lui offre dans "Ombres vers le sud" ("Cabin in the Cotton", 1932) un personnage à sa mesure qui annonce les interprétations sulfureuses qu'elle donnera par la suite. Elle tournera cinq autres films avec le cinéaste au cours de la décennie: "Vingt mille ans sous les verrous" ("20 000 Years in Sing Sing", 1933), "Jimmy the Gent" (1934), "Sixième édition" ("Front Page Woman", 1935), "Le Dernier combat" ("Kid Galahad", 1937), "la Vie privée d’Élisabeth d’Angleterre" ("The Private Lives of Elizabeth and Essex", 1939). Entre temps, faute de rôles à son goût, elle aura quitté Hollywood pour Londres, d'où elle a intenté un procès contre la Warner. Elle le perd et retourne à Hollywood. Une fois les producteurs convaincus de son talent, elle devient la star du studio.
Jean-François Rauger écrit: «Son jeu est d’une précision technique époustouflante. Un infinitésimal mouvement de ses grands yeux, de la bouche, des bras, ajouté au placement toujours sûr de sa voix, peut traduire une violence intense. Le maximum d’émotion est obtenu avec le minimum d’action. Le mélange de coquetterie et de cruauté féminine qui s’affirme dans ses personnages est rarement dénué d’une ambivalence, que les trois films qu’elle fait avec William Wyler, "l’Insoumise" ("Jezebel", 1938), "la Lettre" (1940), "la Vipère" ("Little Foxes", 1941) portent à un haut degré de précision et de perfection.»(1)
En fin de contrat, elle quitte la Warner en 1949, après avoir tourné "la Garce" ("Beyond the Forest") de King Vidor, film dans lequel elle livre une incroyable interprétation d’une femme mariée enceinte de son amant. Elle triomphe dans la foulée avec "Eve" ("All about Eve"), de Joseph L. Mankiewicz: le rôle de Margo Channing, star du théâtre tour à tour charmante et odieuse, est alors le sommet de sa carrière. Après "Milliardaire pour un jour" ("Pocketful of Miracles", 1961) de Frank Capra, elle partage l’affiche avec Joan Crawford dans "Qu’est-il arrivé à Baby Jane?" (photo), de Robert Aldrich. Monstres sacrés de l’époque, les deux stars interprètent dans ce huis clos hystérique deux sœurs actrices, la carrière de l’une ayant décliné lorsque la seconde a connu la gloire à Hollywood avant de perdre l’usage de ses jambes à la suite d’un accident mystérieux… Cherchant à relancer sa carrière, Joan Crawford avait alors insisté pour que Bette Davis soit sa partenaire. Les deux femmes n’avaient jamais travaillé ensemble, elles se haïssaient depuis près de trois décennies !
En 1935, Bette Davis était en effet tombée folle amoureuse de Franchot Tone, son partenaire dans "l’Intruse" ("Dangerous") – film d’Alfred E. Green pour lequel elle remporta l’Oscar de la meilleure actrice. Mais Franchot Tone épousera John Crawford qui lui avait fait des avances, et Bette Davis ne pardonnera jamais à sa rivale son attitude: «Elle l'a fait froidement, délibérément et sans pitié. (…) Elle a couché avec tous les mâles de la MGM – sauf Lassie», déclare-t-elle en 1987. Et si "Qu’est-il arrivé à Baby Jane ?" fut un très grand succès en 1962, John Crawford dut subir pendant le tournage les vacheries à répétition de sa partenaire toujours aussi remontée, au point qu’elle refusa de tourner de nouveau avec Bette Davis, deux ans plus tard, dans "Chut… chut, chère Charlotte", toujours réalisé par Aldrich. Les deux films du cinéaste inscrivent le corps d’une actrice vieillissante dans l’histoire d’un système qui touche à sa fin, celui de l’âge classique d’Hollywood.
Son dernier rôle marquant, en 1972, est celui d’une vieille milliardaire américaine dans "l'Argent de la vieille", de Luigi Comencini, où elle partage l’affiche avec Alberto Sordi, Silvana Mangano et Joseph Cotten. Au début des années soixante-dix, tout en poursuivant sa carrière, elle s’installe en France, à Neuilly-sur-Seine, où elle finira ses jours.
Jérôme Gac
"Qu’est-il arrivé à Baby Jane?" © La Cinémathèque française
(1) lacinematheque.fr
Festival La Rochelle Cinéma, du 30 juin au 9 juillet.
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