vendredi 27 mai 2016

Acteur, mode d’emploi



















Emeline Jouve, maître de conférence dont les recherches portent sur le réalisme américain, et Céline Nogueira, metteuse en scène, auteure et enseignante au Conservatoire de Toulouse, ont élaboré le American Theatre Project dont le but est de créer une plate-forme d’échange des œuvres, recherches et méthodes d’interprétation états-uniennes. Cette manifestation s’inscrit dans la lignée des passerelles d’échange formation/création mises en place entre la compagnie Innocentia Inviolata et le Stella Adler Studio de New York en 2009 et 2010. La première édition propose une semaine de rencontres dans différents lieux de la ville de Toulouse autour de la «Méthode». Entretien avec Céline Nogueira, coorganisatrice du festival American Theatre Project.


Qu’est-ce que le réalisme en matière de technique de jeu d’acteur?

 
Céline Nogueira : «Le réalisme est né à la fin du XIXe siècle du désir et du besoin d’un théâtre social et politique et d’un jeu qui rompt avec le romantisme. On ne déclame plus, on cherche l’intériorisation pour accéder à la véracité du sentiment et de l’expérience. Le personnage est en proie à des conflits humains intérieurs et extérieurs dans des contextes de changement social. On parle de jeu réaliste, parce que les personnages sont écrits par des auteurs dits réalistes, post-naturalistes ou modernes. Anton Tchekhov en Russie, Henrik Ibsen en Norvège, August Strindberg en Suède, Tennessee Williams et Henry Miller aux Etats-Unis questionnent les valeurs morales de leur temps et leurs personnages sont confrontés à un choix de vie. La technique utilisée est le “système” Stanislavski. Mais il a pu le développer grâce à Tchekhov, "la Mouette" notamment, qui révèle le drame non plus par les mots mais par ce qui n’est pas dit. La préoccupation du réalisme se concentre sur les conditions de travail, les relations conjugales, l’homosexualité, la solitude, la frustration… Il y a de la réminiscence dans le jeu réaliste qui flirte avec la mystique. Une mélancolie d’un passé heureux qui a du mal à perdurer dans le changement. Tennessee Williams écrit des épaves, des errances à fleur de peau, un immigré polonais, une femme chassée qui refuse de vieillir et d’admettre son penchant pour les jeunes hommes. Le réalisme montre la cruauté d’une société moralisatrice qui fait des monstres parce qu’ils n’y trouvent pas leur place. Dans "Un Tramway nommé Désir", par exemple, Marlon Brando fait de Stanley Kowalski un demi-Dieu de beauté, et quand les acteurs veulent s’y frotter, ils veulent jouer “beau”. Mais si Brando fait de Stanley un demi-Dieu de beauté, ce n'est pas parce que Stanley est beau, ou parce qu'il joue à être beau. Stanley est plutôt une brute de macho. C’est parce que Brando a cueilli toute la sueur de l’immigration au travail, la moiteur du sud des Etats-Unis, la promiscuité des corps et la frustration dévorante d’un homme en proie au dilemme moral, que Stanley devient sexy : il est humain. Mais on ne peut accéder à Stanley par l’extériorisation de l’ego, il faut d’abord se frotter au prix qu’il paye. "My Darling Clementine" (La Poursuite infernale) montre bien cette transition entre cette époque de l'interprétation extériorisée, exagérée et le modernisme du jeu “method”. Henry Fonda et Victor Mature ont été formés au “système”. John Ford, dans une scène que j’exploiterai à la Cinémathèque de Toulouse, fait jouer William Shakespeare de façon réaliste ce qui donne à Mature la possibilité d’un accès poignant aux méandres du personnage. "Giant" (Géant) montre aussi la distinction entre le style “old school” de Elizabeth Taylor et Rock Hudson vs. les James Dean, Carroll Baker, Dennis Hopper de l’Actors Studio. Le jeu réaliste s’emploie à montrer comment la société exerce une pression sur les idées, les désirs, le but, les actions des hommes. Dès lors, l’acteur réaliste de fin de siècle se préoccupe de physiologie, de mouvement, de comportement. Ron Burrus du Stella Adler Studio, définit le jeu réaliste ainsi : “Faire consciemment sur le plateau ce que l’on fait inconsciemment dans la vie de tous les jours”. L’enjeu pour l’acteur réaliste est de donner à voir le comportement humain - les gestes, les regards, les actions de celui qu’il joue - de façon à ce que le public le reconnaisse, consciemment ou inconsciemment, immédiatement. Le jeu réaliste implique que l’acteur fasse un travail de recherche sans fin sur les circonstances passées et présentes de son personnage et sur ses relations avec les autres et qu’il en fasse l’expérience. D’où la “Méthode”.»


Le «Method acting» ?
 

«Oui. À l’origine, le terme Method est le nom que le Group Theatre des années 1930 à New York utilisait pour évoquer leur interprétation du système Stanislavski. Fondé par Lee Strasberg, Stella Adler et Harold Clurman, le Group a été formé par les Russes Richard Boleslawski et Maria Ouspenskaya. On y trouve Sanford Meisner et Clifford Odets aussi. C’est la toute première troupe américaine à utiliser le “système”. Ces acteurs sont marqués par l’apport “engagé” de Jacques Copeau qui est venu faire un travail de propagande à New York. Ils voient dans le système de Stanislavski LA méthode capable d’accéder à cet enjeu de révélation sociale du personnage. Et puis, le Theatre Group a éclaté. Stella Adler est partie à Paris travailler avec Constantin Stanislavski. Elle en est revenue avec des outils : l’action et l’imagination. Elia Kazan et Harold Clurman ont fondé l’Actors Studio, et quelques années plus tard Strasberg en a pris la direction. Selon la personnalité de ces figures, la méthode a pris des directions différentes : Adler développe l’imaginaire et les actions, Strasberg utilise la mémoire émotionnelle et le psychologique, Meisner favorise l’écoute et la relation au partenaire. Dans "le Parrain", la rencontre de ces trois approches est édifiante avec Marlon Brando (Adler), Al Pacino (Strasberg) et Diane Keaton (Meisner). Mais toutes ces approches du “method acting” œuvrent dans un seul but : s’approprier le personnage à jouer, donner à voir ce que le personnage ne dit pas. Révéler le désir caché. Ce qui implique pour l’acteur une discipline quotidienne d’observation, sans jugement, de son propre comportement et celui des autres. Savoir reconnaître des “actions”, lire les corps, lire les esprits en quelque sorte pour en repérer les manifestations et les jouer ensuite. Souvent, les acteurs débutants qui veulent jouer “réaliste” font des activités sur le plateau : ils font la cuisine, ils mangent… et comme ils sont “occupés”, ils pensent qu’ils en font assez. Quand je demande à un élève d’utiliser un accessoire, à coup sûr il va apporter quelque chose à boire, à manger ou à fumer. Il fume et il pense qu’il en fait assez. Ils confondent action et activité. L’action du “method acting” ou du “système” va au-delà du texte écrit et de l’activité : c’est “quelle information tu donnes à voir quand tu fais l’activité” qui importe. La Méthode consiste à révéler l’intention, la relation ou l’objectif du personnage vis-à-vis des autres via l’accessoire. Si quand il boit un verre, fume sa cigarette ou mange sa pomme, l’acte ne nous révèle rien de l’intention du personnage, il est inutile. Utiliser l’environnement, c’est très Adler. Un acteur Strasberg aura tendance à intérioriser, entrer en lui-même. Parfois il s’y noie ou se perd dans un jeu égocentré - c’est la tendance de James Dean par exemple. Solliciter la mémoire affective propre est dangereux, c’est ce que Stella Adler a rejeté quand elle a finalement travaillé avec Stanislavski.»

D’autres exemples d’acteurs à l’écran ?


«L’un des acteurs emblématique de l’Actors, c’est Al Pacino. S’il intériorise parfois à outrance, il est subtil dans "Serpico". Son intériorisation, je la dis “jocondesque”. Lui, il scrute, pénètre tout ce qu’il regarde. Il hypnotise tout : le sol, l’étagère, le partenaire, tout. Il est en processus d’intériorisation en permanence et c’est ce qui lui donne la droiture, l’étoffe morale de son Serpico. Sa construction à lui se fait par le poil… j’en parlerai durant la présentation du film. Les acteurs russes reprochent aux acteurs américains de rabaisser le personnage à eux, à leur petite vie. Les héritiers de Stanislavski prennent la responsabilité de s'élever au niveau de leurs personnages. C’est ce que fait Robert De Niro à la perfection dans "Raging Bull". De Niro, qui est à la fois Actors Studio et Adler, montre le prix - physique, émotionnel et psychologique - que son personnage Jake LaMotta paye dans son choix de vie. Il prend l’accent italien à la perfection, métamorphose son corps et son comportement. Son combat au delà du ring, c’est de compenser sa misère affective et sexuelle. Son objectif, c’est la conquête d’un territoire («it’s a free country») par le ring et la femme blonde qu’il ne pourra jamais conquérir, pénétrer, jamais vraiment. Alors il s’empêtre dans sa frustration qui se fait jalousie. C’est la tragédie de l’immigré là aussi. Par les choix de l’acteur, on assiste à son effondrement psychologique : brutal, ferme, il s’effondre en larmes dans sa tourmente et montre la bête, vulnérable, qui s’humanise. Bien sûr le génial Scorsese le met en scène dans des scènes de miroir par exemple qui donnent à voir les liens de cause à effet qui nous guident dans la métamorphose du personnage. Le fameux “Do you fuck my wife ?” est aussi drôle que pathétique pour ces raisons et expliquera la psychologie à l’œuvre dans une réplique comme “he ain’t pretty no more”. Joe Pesci est extraordinaire aussi dans son lot de sang chaud. Il joue une scène où il se fait gronder et devient comme un petit garçon. Le jeu réaliste nous invite dans la vulnérabilité de l’homme. Le film termine par “Once I was blind and now I can see” : Martin Scorsese et De Niro font de Jake LaMotta un être humain qui traverse l’épreuve et sort grandi. Je parlerai davantage lors de la présentation du film à la Cinémathèque, notamment de cette scène hommage à Kazan et Brando, où De Niro imite Brando. Slava Dolgatchev, de Moscou, me disait : “Si tu bouches tes oreilles et que tu comprends, c’est un bon acteur”. Faites ça quand vous allez au théâtre (auteur réaliste) ou au cinéma. Voyez ce que vous comprenez. L’acteur réaliste ne peut pas se contenter de dire son texte parce que son rôle est de révéler l’enjeu social et psychologique via un comportement précis fait des “actions psychophysiques” qui nous donnent accès à tout ce que le personnage pense alors qu’il ne le dit pas. La première apparition de Brando dans "le Parrain" est une leçon de Method en soi. Chaque geste nous donne des indications très précises de qui il est et d’où il vient. La conversation de Philip Seymour Hoffman dans "Magnolia" est une master class. Tout cela donne au cerveau de celui ou celle qui le regarde des informations qui lui permettent de comprendre le drame intérieur du personnage et donc, le drame général.»


Quelles sont les principales écoles qui se réclament du “Method acting” ?
 

«Après la dissolution du Group, trois des membres ont développé leur propre version. Lee Strasberg, renvoyé du Group, a gardé le nom de Method, c’est par lui que le nom s’est inscrit dans l’histoire. Elia Kazan et Harold Clurman ont fondé l’Actors Studio, c’est à ce moment là que Brando y a étudié. Stella Adler, la fille de Jacob Adler, monument du théâtre Yiddish à New York, a été son mentor. Lee Strasberg a pris la direction de l’Actors Studio quelques années après. Stella Adler et Harold Clurman ont pris la direction du Group. Stella a travaillé directement avec Stanislavski, à Paris, et ensemble ils ont développé une nouvelle définition du “système” : Adler Technique. Elle a fondé le Stella Adler Conservatory of Acting, où j’ai été formée, qui s’appelle aujourd’hui le Stella Adler Studio. Stella Adler est la seule américaine à avoir travaillé directement avec Stanislavski. Strasberg invite l’acteur à utiliser directement sa mémoire affective. Stella Adler considère que l’acteur doit au contraire travailler le muscle de l’imagination et accéder à la vie du personnage par le biais des circonstances imaginaires, pour éviter toute dérive de thérapie personnelle. Sanford Meisner a développé son approche à la Neighborhood Playhouse. Mais il serait dangereusement réducteur de penser que le jeu américain n’est lié qu’à ces trois figures et à la Méthode : Michael Chekhov, neveu de Anton et élève de Stanislavski a formé à Hollywood nombre d’acteurs dont Clint Eastwood, Cary Grant ou la jeune Marilyn Monroe ; Herbert Berghoff et Uta Hagan ont fondé le HB Studios ; la American Academy of dramatic Art, première école aux Etats-Unis depuis 1880, a formé nombre de talents comme Jason Robards Jr., John Cassavetes ou Anne Hathaway.»

En quoi ces méthodes diffèrent-elles de celles transmises en France dans les institutions, tels que le Conservatoire national et la Comédie-Française par exemple, ou encore des acteurs comme Louis Jouvet ?
 

«Ce que je sais c’est que les Américains mettent en avant des philosophies. “Apprendre à être un acteur c’est apprendre à devenir un être humain”, dit Adler. L’American Academy of dramatic Art avance une “vocation à l’excellence”. Chez nous, les écoles se risquent peu à parler de l’humain. En France, il y a un avant Copeau et un après. C’est le premier qui s’est révolté contre un théâtre commercial avec ses Boulevard, son jeu cabotin, et contre la Comédie-Française et le Conservatoire, justement, qu’il trouve artificiels et corrompus. Il introduit l’improvisation et le mouvement, parle d’un art authentique qui s’oppose à la rigidité du “spectacle” de l’époque. Il ouvre une école pluridisciplinaire. Il faut rappeler que le Group Theatre a assisté aux conférences de Copeau à New York dans les années 1920. Ils ont été marqués par le caractère révolutionnaire de l’enjeu social et politique. Louis Jouvet a travaillé avec Copeau au Théâtre du Vieux-Colombier. Il a aidé Maurice Sarrazin, Jean-Louis Barrault et Jean Vilar dans la décentralisation théâtrale. C’est un élément pivot dans la formation au Conservatoire. Aujourd’hui, qu’on le veuille ou non, toutes les écoles sont influencées par le système Stanislavski. Nos cultures l’ont moulé différemment. La tradition américaine et le texte réaliste se fonde sur un contexte social précis et ces méthodes s’attachent à révéler le comportement social et humain, les failles du personnage, parce que l’écriture réaliste est composée ainsi. La tradition française est classique, “texto centrée”, le texte prime. Alors que dans le réalisme, c’est d’abord l’action et le texte après. Le réalisme, dans l’écriture, laisse la part d’interprétation à l’acteur. Il laisse à l’acteur le soin de faire la faille. Les écoles françaises forment au classique. Nous avons les antiques qui eux disent - et disent avec moult ornements. Et, comme les Anglais qui se forment à la rigueur du pentamètre shakespearien, les Français se forment à celle de l’alexandrin, l’élocution, le rythme et toute l’imagerie que porte cette forme rigoureuse. Le réalisme ne s’appuie pas sur une discipline du dire, mais une discipline du faire. Élocution vs. Comportement. En même temps, je prépare des acteurs avant leurs auditions, aussi bien dans des écoles françaises que RADA ou Lamda à Londres, que Stella Adler, Circle in the Square ou American Academy à New York. Partout, l’exigence est la même et les auditions ont le même objectif : trouver un acteur capable d’être à la fois créatif, authentique et endurant, et qui sera formé à tout jouer ! Ceci dit, on peut tout à fait comparer le Conservatoire national aux grandes écoles américaines, les Method ou les Yale ou Julliard. Ces institutions dispensent différents enseignements : l’élève a la possibilité de se former via différents formateurs et artistes, se frotter à une myriade d’outils différents et choisir au fur et à mesure de son expérience ceux qui lui conviennent le mieux. C’est un enseignement assez complet. C’est le directeur de l’école qui offre une couleur, sa couleur spécifique, en général. Et, selon leur approche, ou la direction artistique donc, des formateurs proches de leur méthode sont conviés. Quand j’étais à Stella Adler, en plus du curriculum quotidien, j’ai pu travailler avec Yoshi Oida, Slava Dolgatchev ou Philip Seymour Hoffman. Et j'y ai travaillé avec Bill Hopkins, l'un de coachs les plus demandés à New York - il travaille aussi bien à Adler qu'à l'Actors Studio ou au Film Institute depuis vingt ans. C’est le même fonctionnement dans les conservatoires en France. Le Conservatoire national est une école. La Comédie-Française est un théâtre qui a sa troupe permanente de comédiens. Par ailleurs, Antoine Vitez, professeur chez Jacques Lecoq puis au Conservatoire national supérieur d'Art dramatique, a été administrateur de la Comédie-Française. Il a parlé du système Stanislavski et de l’approche du rôle par les actions physiques. Jean Vilar, créateur du Festival d'Avignon et directeur du Théâtre national Populaire (TNP), a écrit que Stanislavski offre au comédien la seule méthode quotidienne de travail qui soit efficace. Patrick Pezin m’a fait découvrir "Garde à vue", où on découvre deux acteurs qui pourraient être totalement method : Lino Ventura et Michel Serrault. Je trouve Guillaume Gallienne - de la Comédie-Française - très method. Les Vitez ou les Jouvet se sont approprié les classiques, les ont actualisés selon le contexte social spécifique et une exigence de l’interprétation authentique. C’est ce que fait Ariane Mnouchkine. À mon premier retour de New York, j’ai fait un stage avec elle et tout ce qu’elle dit vient de Stanislavski. Elle a le talent de le mêler à la commedia dell’arte, au masque japonais ou balinais, et elle produit des œuvres d’art. Peter Brook fait aussi ça. Je connais nombre d’acteurs qui arrêtent de se former parce qu’ils estiment qu’ils le sont déjà. Souvent, ils remplacent leur training d’acteur par un sport ou de la gymnastique qui leur permet de “rester en forme”. Mais ils ne vont pas forcément se confronter à d’autres formations ou méthodes. Le mentor, par exemple, est un terme que l’on utilise peu en France. Travailler avec un coach est quasi tabou, alors que la plupart des acteurs américains que tu vois à l’écran ou sur les planches continuent de travailler avec un coach vocal, d’interprétation ou d’accent. Roland Barthes disait que l’on a fait croire à l’acteur (français) qu’il avait un don, pour mieux lui faire accepter un statut social précaire. J’ai tendance à croire que c’est ce mythe du don qui a tendance, contrairement aux acteurs américains, à conforter parfois un acteur français dans une nonchalance vis-à-vis de l’exigence technique du jeu.»
 

Qu’en est-il de la pratique anglaise ?
 

«C’est une excellente question parce que la formation anglaise participe à ce que Terrence Rafferty, le critique de cinéma américain, appelle le “déclin de l’acteur américain”. Alors que les Américains ont tenté ci et là l’élocution british, les British eux excellent à présent dans l’élocution américaine tous accents confondus. De Kenneth Branagh et Allan Rickman (Royal Academy of dramatic Art) à Daniel Day Lewis (Bristol old Vic theatre School) et Benedict Cumberbatch (London Academy of Music and dramatic Art (LAMDA), ces acteurs sont formés dans la tradition classique. Habitués à la rigueur implacable de Shakespeare, ils peuvent tout jouer. Et il faut croire que les acteurs formés par les grand maîtres Adler/Strasberg/Mesiner n’ont pas fait de petits. Les jeunes acteurs américains ne proviennent plus vraiment des écoles. L’industrie des séries télé a beaucoup changé la donne : c’est là que les jeunes acteurs se forment à présent avec des script bien léchés. Mais ils se forment moins aux classiques, contrairement aux Anglais qui ont cette opportunité dans n’importe quelle école. C’est le cas de Kate Winslet ou Keira Knightley. Le fait que les acteurs anglais soient entraînés à jouer très tôt, avec le détachement du théâtre, les maintient dans le goût du jeu qui, semblerait-il, s’épuise chez les Américains très tôt. Mais, ce qui est drôle c’est que Rafferty conclut qu’il manque dans les rôles pour les jeunes acteurs (et non actrices) la rage et la frustration… celles-là même que la programmation à la Cinémathèque de Toulouse nous donnera à voir pour le week-end “method acting”.»
 

Qui est Fay Simpson qui rencontrera le public à la Cinémathèque de Toulouse et à la librairie Oh Les Beaux Jours ?
 

«Fay Simpson est une chorégraphe new-yorkaise. Elle a fondé la méthode Lucid Body, dont l’approche originale invite l’acteur à construire son personnage par le biais de centres énergétiques, les chakras. Elle a coaché Lupita Nyong’o avec cette méthode pour le film "Twelve years a slave", de Steve McQueen. Les études physiologiques, somatiques, philosophiques, sociologiques, quantiques sont pour «l’acteur réaliste» de bons outils pour accéder au mouvement organique d’une pensée, d’une intention. C’est une façon supplémentaire, plus somatique, d’arriver à l’authenticité et l’intériorisation du personnage. Elle est l’invitée d’honneur du festival American Theatre Project et donnera un stage pour comédiens et danseurs au Centre chorégraphique James Carlès.»

Propos recueillis par Jérôme Gac

le 17 avril 2016, à Toulouse
"Un tramway nommé Désir" © collections La Cinémathèque de Toulouse
 

Stage «Lucid Body», du 29 mai au 2 juin, 
au Centre chorégraphique James Carlès
51 bis, rue des Amidonniers, Toulouse.

Rencontre avec Fay Simpson, jeudi 2 juin, 17h30, 

à la Librairie Oh Les Beaux Jours
20, rue Sainte-Ursule, Toulouse. Tél. : 05 61 29 89 27.

Journées d'études : «Le réalisme: tradition ou transgression ?», 

du 2 au 3 juin, à l'Université Toulouse Jean-Jaurès
5, allée Antonio-Machado, Toulouse.

Week-end «Method Acting» : projections, rencontres, master class, 

du 3 au 5 juin, à la Cinémathèque de Toulouse
69, rue du Taur, Toulouse. Tél. : 05 62 30 30 11.

mardi 3 mai 2016

La France du XXe siècle















La Cinémathèque de Toulouse consacre un cycle au cinéma policier français dont le premier volet s’étale cette saison du muet jusqu’aux années cinquante.

Le cinéma français étant le domaine privilégié des auteurs, les genres y ont peu prospéré. Seul le cinéma policier a très vite trouvé en France un territoire où se déployer, circulant à la fois du côté du cinéma populaire comme du côté des auteurs. Affichant des grands classiques ("Le Crime de Monsieur Lange", "L’Assassin habite au 21", "Panique", etc.) et quelques raretés, un vaste panorama de ce genre hexagonal est proposé par la Cinémathèque de Toulouse. Il couvrira toute l’histoire du cinéma, exhibant ainsi un siècle de représentations de la société française à l’écran.


Dans son ouvrage de référence "le Cinéma policier français", François Guérif écrit: «Le film policier tient aussi du film d’aventures et se passe dans tous les milieux sociaux. Il recouvre des catégories différentes : énigme, thriller, film noir, psychologie criminelle, étude de mœurs, etc. Le film policier a deux types essentiels de personnages : celui qui commet le délit et celui qui cherche à découvrir comment a été commis le délit et/ou à mettre hors d‘état de nuire le responsable du délit ; autrement dit, le flic et le truand, le juge et l’assassin, le chasseur et le chassé. Dans ce dernier cas, et dans la catégorie suspense, cela peut être l’assassin et sa victime. En tout état de cause, le personnage est un véhicule qui permet de pénétrer partout et de dévoiler les vérités cachées que recèle le monde. Par ailleurs, comme tout film, le film policier reflète la société de l‘époque à laquelle il a été tourné. Mais, en dévoilant ce qui se passe “derrière” la façade, en évoquant les interdits, en constatant l‘évolution des lois, de la criminalité et de sa répression, il la reflète sans doute plus fidèlement qu’aucun autre genre.»(1)


Le cycle sera présenté par la Cinémathèque de Toulouse en deux volets: couvrant la période du muet jusqu’aux années cinquante, le premier s’affiche cette saison durant tout le mois de mai.


Jérôme Gac
"Entre onze heures et minuit", H. Decoin © collections La Cinémathèque de Toulouse


(1) éditions Veyrier
 

Projections, du 3 au 31 mai, à la Cinémathèque de Toulouse,
69, rue du Taur, Toulouse. Tél. : 05 62 30 30 11.
 

Rencontres avec François Guérif:
mercredi 23 septembre, 16h30, à la librairie Ombres Blanches,
50, rue Gambetta, Toulouse.
mercredi 23 septembre, 19h00, à la Cinémathèque de Toulouse.