Cet été, la Cinémathèque française consacre une rétrospective à Dario Argento, réalisateur, scénariste et producteur italien.
Les films de Dario Argento sont à l’affiche de la Cinémathèque française qui présente une rétrospective estivale dédiée au réalisateur italien ; La programmation s’intéresse également à l’activité de scénariste et de producteur du maître du thriller horrifique. Critique de cinéma au journal Paese Sera, puis scénariste ("Il était une fois dans l'ouest"), Dario Argento réalise en 1969 son premier long métrage, "l'Oiseau au plumage de cristal". Révélant un style personnel, le film est inspirée du livre "la Belle et la bête" de Fredric Brown et du film "la Fille qui en savait trop" de Mario Bava.
On décèle dans ce «giallo» les influences de son auteur qui puise du côté de l’expressionnisme allemand et du cinéma d'Alfred Hitchcock. L’œuvre révèle déjà les indices de ce qui deviendra la marque de fabrique d’Argento: scènes violentes, mouvements complexes de caméra, éclairages agressifs, etc. Aussitôt remarqué, le film constitue le premier volet d’une trilogie animalière complétée en 1971 avec "le Chat à neuf queues", puis "Quatre mouches de velours gris". Après "le Cinque giornate", évocation de la révolution de 1848 à Milan, il exploite de nouveau ses obsessions en 1975 pour livrer "les Frissons de l'angoisse".
Dario Argento confesse: «D’un côté, je vois de la cohérence dans mon cinéma, dans cette recherche qui a pris forme au fil des années et qui évolue toujours. Mais je me souviens aussi que quand j’ai fait "Quatre Mouches de velours gris", quand je l’avais presque terminé en fait, je me suis dit qu’il fallait changer, explorer de nouveaux territoires, de nouveaux parcours. J’ai donc pensé à l’épouvante, genre que j’ai toujours aimé depuis que j’étais gamin: les récits de Edgar Allan Poe et Lovecraft, et aussi les films d’horreur américains des années 1950.»(1)
Dario Argento poursuit: «Le temps était venu pour un tournant, et
j’ai eu l’idée d’un film où il n’y aurait pas de changement complet,
mais quand même un récit différent. J’ai donc pensé aux "Frissons de
l’angoisse", où la psychologie est différente, les enquêtes policières
sont différentes, et il y a aussi beaucoup d’imagination et de pensées.
C’est un film que j’ai écrit très rapidement, mais j’y ai pensé pendant
très longtemps.»(1)
Deux
après, le cinéaste passe à la vitesse supérieure avec "Suspiria" (photo), film
d’horreur fantastique sur fond de sorcellerie, qui plonge le spectateur
dans un univers labyrinthique oppressant, saturé d’effets visuels
baroques et de sonorités entêtantes. Il ne cessera d’exploiter ensuite
ce système de mise en scène qui fera largement école dans les années
quatre-vingt.
Dario Argento se souvient : «J’aime avant tout les films les plus difficiles à réaliser. "Suspiria" en fait partie. Ce fut à la fois un défi technique et scénaristique. J’avais notamment décidé de ne pas faire deux plans semblables. Avec le directeur de la photo, nous avons donc élaboré quelque chose comme 2 000 plans et seulement deux ou trois sont comparables. C’est ce qui donne, en partie, cette sensation de vertige que je voulais. Je faisais preuve alors d’un grand enthousiasme dans le maniement de la caméra.»(2) Pour relever cet audacieux pari, "Suspiria" est tourné en support Technicolor, un procédé déjà abandonné à l’époque.
"Suspiria"
est le premier volet de la Trilogie des Enfers (ou des Trois Mères),
qui sera suivi de "Inferno" (1980) et "la Terza Madre" (2007). «A propos
de ma trilogie, j’ai fait le deuxième film trois ans après le premier,
et lorsqu’il a été question de tourner le troisième, j’ai dit non. Je
pensais qu’il fallait attendre. Pendant ce temps-là, je suis allé en
Amérique, j’ai signé deux films avec ma fille Asia, plus deux épisodes
des "Masters of Horror". Puis, quand plus personne ne pensait à me
demander où en était ce troisième volet, alors j’ai commencé à tourner
"la Terza Madre". Je ne crois pas aux sorcières, parce que je n’en ai
jamais rencontré. Mais c’est un thème qui permet de faire un grand saut
dans l’inconnu, dans l’irrationnel. Plus encore aujourd’hui qu’il y a
vingt-cinq ans, la réalité s’est enlaidie, alors il faut en sortir»,
constatait-il lors de la sortie du troisième volet de cette trilogie.(2)
«J'ai
besoin de temps, je suis lent. Chaque film est une grande élaboration.
Je pense et je voyage. Découvrir des lieux et des cultures qu'on
ignorait, ça apporte des idées nouvelles. Il faut aussi pouvoir faire
intervenir les rêves, l'inconscient et les symboles, Freud et Jung !
J'aime la complexité. La psychanalyse est une des bases de mes films et
je ne vois pas comment il pourrait en être autrement, elle a laissé une
trace si profonde dans les arts, le cinéma, la peinture, la littérature.
Je trouve que dans le cinéma d'aujourd'hui, la psychologie des
personnages est souvent complètement abandonnée, simplifiée. On ne
cherche plus la profondeur des êtres. Ce qui m'intéresse, ce n'est pas
de faire peur au spectateur mais de raconter l'intériorité obscure de
l'âme, des pensées. Les gens aiment explorer cette dimension secrète,
c'est pour ça qu'ils aiment mes films.»(3)
En dépit des modes et des critiques, Dario Argento renouvelle le genre, mêlant maniérisme et symbolisme, trivialité et sophistication, et plonge le spectateur dans la psyché trouble de ses personnages avec une exquise cruauté. De "l'Oiseau au plumage de cristal" à son tout dernier film, "Occhiali neri", en passant par la poésie morbide des "Frissons de l'angoisse" ou l'horreur graphique de "Suspiria", chacune de ses œuvres est une expérience esthétique et sensorielle unique. La rétrospective proposée à la Cinémathèque française a été organisée avec Cinecittà qui a réalisé une restauration numérique des films présentés en DCP.
Jérôme Gac
(1) arte.tv (16/03/2017)
(2) Libération (27/12/2007)
(3) telerama.fr (05/08/2016)
Du 6 au 31 juillet,
à la Cinémathèque française,
51, rue du Bercy, Paris.
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