dimanche 12 mai 2024

L'artisan


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À la Cinémathèque de Toulouse, le cycle «Hawks / Carpenter» met à l’affiche douze films de Howard Hawks.

En vingt-quatre films, la Cinémathèque de Toulouse s’attache à saisir l’influence du cinéma de Howard Hawks – dont douze films sont présentés – sur la filmographie de John Carpenter. «Qui n’aime pas Hawks ne comprendra jamais rien au cinéma», écrivait Éric Rohmer en 1978, peu de temps après la mort du cinéaste. Dans les Cahiers du Cinéma, Jacques Rivette l’avait qualifié en 1953 de «génie», faisant ainsi de lui un auteur au même titre qu’Alfred Hitchcock.

Accessoiriste au temps du muet, Howard Hawks devient vite producteur à Hollywood, et réalisateur avant l’arrivée du parlant. Ses films muets révèlent déjà les thèmes majeurs et récurrents de sa filmographie à venir: prépondérance des amitiés viriles ; communauté d’hommes repliée sur elle-même et menacée par l’intrusion de l’autre sexe ; portraits de femmes indépendantes, insoumises aux hommes et à leurs désirs. 

Il signe un premier chef-d’œuvre en 1930: "Scarface". Le critique Jacques Siclier notait à ce sujet dans Le Monde, en 2002: «S’il n’y avait pas eu, à la fin des années 1920, "les Nuits de Chicago", "la Rafle" et "Thunderbolt", de Josef von Sternberg, on pourrait dire que Howard Hawks a inventé le film de gangsters au début du parlant. Ces films-là ont été, peu à peu, oubliés, même de la télévision. On rend donc à Hawks ce qui lui appartient: "Scarface", générateur et classique incontesté d’un genre cinématographique». Philippe Garnier signale que «"Scarface", un film conçu avec Howard Hughes comme un camouflet à la censure et aux patrons de studios qui voulaient les empêcher de le faire, contient des scènes d’une vigueur et d’une jeunesse encore choquante aujourd’hui, peu importent les conventions du genre.»(1)

Au fil des ans, Hawks enchaîne les succès et demeure donc libre de passer d’un studio à l’autre. Il laisse à chaque genre sa marque indélébile: "Les Chemins de la gloire" (1936) pour le film de guerre ; "L’Impossible Monsieur Bébé" (1938), "la Dame du vendredi" (1940), "Allez coucher ailleurs" (1948), "Chérie, je me sens rajeunir" (1952), "le Sport favori de l’homme" (1962) pour la comédie ; "La Rivière rouge" (1949), "la Captive aux yeux clairs" (1952), "Rio Bravo" (1958) pour le western ; "Le Grand Sommeil" (1946) pour le film noir ; "La Chose d’un autre monde" (1951) pour la science-fiction ; "Les Hommes préfèrent les blondes" (1953) pour la comédie musicale. Passionné de mécanique, il réalise plusieurs films sportifs et d’aventures, tels "Brumes" (1936) et "Seuls les anges ont des ailes" (1939) dans le milieu de l’aviation, ou "La foule hurle" (1932) et "Ligne rouge 7000" (1965) dans celui de la course automobile.

Philippe Garnier souligne: «Seules comptaient pour lui les histoires de groupes. Si, dans ses drames, la femme devait se mettre au niveau de l’homme, dans ses comédies, Hawks renversait l’équation. Et contrairement à ce qu’on a souvent écrit, la femme dans ses comédies n’est pas tant dominatrice que révélatrice: c’est en essuyant les assauts plus moqueurs que castrateurs de Hepburn ("L’Impossible Monsieur Bébé"), d’Ann Sheridan ("Allez coucher ailleurs"), ou de Paula Prentiss ("Le Sport favori de l’homme") que l’homme apprend à se connaître, à découvrir sa nature, et ses vrais désirs.»(2)

Howard Hawks ne s’intéressa jamais au mélodrame, si allergique qu’il était à la psychologie des personnages et à toute flamboyance de style. Il se définissait comme un artisan. Son cinéma est une affaire d’hommes qui agissent — à l’exception des "Hommes préfèrent les blondes", dont les héroïnes sont deux femmes. Effacée, la mise en scène épouse l’action jusqu’à se fondre dans le mouvement des personnages. Discrète mais aux aguets, sa caméra est capable d’accélérations vertigineuses lorsque la situation s’emballe.

Classique par excellence, le cinéma de Hawks a ses héritiers. Comme le constate Jean-François Rauger, «Hawks reste présent, en filigrane ou ouvertement, dans l’épure chorégraphique affirmée chez certains de ses disciples (John Carpenter), dans une manière d’envisager la violence et ses conséquences (George A. Romero), dans la monstration de purs comportements déconnectés de tout commentaire psychologique (William Friedkin).»(2)

Jérôme Gac
photo: "Rio Bravo"
 

(1) festival-larochelle.org (2014)
(2) «Un art stoïcien» (cinematheque.fr, 2007)
 

«Hawks / Carpenter», du 14 mai au 30 juin, à la Cinémathèque de Toulouse, 69, rue du Taur, Toulouse. Tél. 05 62 30 30 10.

 

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