jeudi 6 octobre 2016
Bertrand, Akira, Abel et les autres
De Jean-Charles Fitoussi aux frères Cohen, la saison de la Cinémathèque de Toulouse fera la part belle aux cinématographies française et américaine, avec des détours vers le Japon, la Pologne, l’Italie, etc.
Après avoir exhibé une galerie de savants fous en septembre, la Cinémathèque de Toulouse accueille en ce début d’automne le festival Cinespaña. Avant la prochaine édition du festival Extrême Cinéma, attendue comme il se doit aux alentours de la Toussaint, la salle de la rue du Taur s’intéresse en octobre à Jean-Charles Fitoussi, en partenariat avec le Printemps de Septembre. Cinéaste à l'œuvre atypique où se mêlent réalité, poésie et fantastique, il a signé une suite de films regroupés dans la série "le Château de Hasard". «Chacun de mes films s’inscrit dans un ensemble intitulé "le château de hasard". Il n’y avait au départ d’autre dessein que de témoigner de la toute-puissance du hasard en matière de création. Au fur et à mesure, des liens se sont formés entre les films, créant des séries, suscitant des suites, comme l’agencement des pièces d’un château. Le rez-de-jardin est aujourd’hui achevé (huit films et demi), le premier étage est en cours de construction (un film réalisé et deux esquissés sur les huit projetés). Enfin, quelques dépendances, au double sens du terme», précise Jean-Charles Fitoussi. Artiste moins confidentiel, surtout depuis son "Saint Laurent" avec Gaspard Ulliel, Bertrand Bonello est annoncé en janvier pour une carte blanche.
Entretenant cette saison un dialogue permanent entre le cinéma contemporain et le cinéma de patrimoine, la programmation de la Cinémathèque de Toulouse alternera cycles longs et cycles plus courts, rétrospectives et thématiques, monographies et panoramas. On verra en novembre le second volet du cycle dédié au cinéma policier français qui couvre la période des années cinquante à nos jours, puis une rétrospective et une exposition rendront hommage au printemps à l’actrice Ginette Leclerc – immortalisée grâce à son rôle dans "la Femme du boulanger".
La programmation des ciné-concerts est dédiée cette saison à l’âge d’or du cinéma muet scandinave, avec les cinéastes majeurs de cette période: August Blom, Benjamin Christensen, Carl Theodor Dreyer, Holger-Madsen, Gustaf Molander, Victor Sjöström et Mauritz Stiller. Pour Franck Lubet, responsable de la programmation de l’archive toulousaine, «le cinéma scandinave est un vivier de cinéastes hors normes. Dès les années 1910, alors que la Première Guerre mondiale brisait l’élan dominateur des cinématographies française et italienne, le cinéma muet scandinave, poussé par la Nordisk danoise et la Svenska Bio suédoise (les deux maisons de production les plus importantes), imposait une esthétique extrêmement graphique qu’il allait par la suite essaimer dans toute l’Europe – Dreyer ("La Passion de Jeanne d’Arc", "Vampyr", etc.) – jusqu’à Hollywood – Sjöström ("La Charrette fantôme", "Le Vent", etc.) ou Stiller ("La Légende de Gösta Berling" qui découvrait Greta Garbo). Un âge d’or. Pour le cinéma scandinave. Et pour le cinéma en général, sur lequel il imprimera une influence majeure : l’art de la lumière. Une photographie des plus picturales, tant dans son sens de la composition que dans sa texture même, qui tient davantage du charbon et neige que du noir et blanc.»
Le cinéaste japonais Akira Kurosawa sera à l’honneur, tout comme Jerzy Skolimowski, invité durant la Semaine Polonaise. Le metteur en scène italien Pippo Delbono présentera ses films, à l’occasion des représentations de ses spectacles au Théâtre national de Toulouse. En écho à l'exposition «Fenêtres sur cours» présentée au Musée des Augustins, une sélection d’une dizaine de films se déploiera cet hiver autour du thème de la cour et ses représentations à l’écran. Au printemps, un cycle sera consacré à la justice avec la projection de plusieurs films de procès, et un week-end de février sera dévolu aux fictions mettant en scène les exploits de l’aéropostale.
Du côté du cinéma américain, le centième anniversaire de la naissance de l’acteur Kirk Douglas sera l’occasion de découvrir en décembre une exposition et une programmation de films. Le fameux documentariste Frederick Wiseman rendra visite aux cinéphiles toulousains en 2017, et les films des frères Cohen seront à l’affiche avant l’été, en préambule à la nouvelle édition du «Cinéma en plein air». On attend ces jours-ci la visite d’Abel Ferrara à Toulouse, le temps d’une rétrospective (photo) auréolée d’un concert au Metronum. «Je travaille sans histoire, sans récit, sans scénario, je m'appuie juste sur les personnalités des acteurs, et la façon dont ils peuvent bouger. Ces gens vont incarner quelque chose, vont se croiser, et il faut rendre ça dynamique. Ce sont les acteurs et les actrices qui me sauvent», confiait en 2005 le cinéaste new-yorkais au quotidien Libération. Celui qui vient de signer un film sur Pasolini assurait à l’époque : «Les questions nées du 11 septembre ont changé les mentalités : les gens se veulent plus efficaces, il faut faire des choses utiles, et les idées qui ne vont pas dans ce sens ne sont plus comprises. Ça a changé l'attitude vis-à-vis du cinéma : faire des films aujourd'hui à New York est plus difficile, surtout pour moi. On ne m'y comprend plus...».
On retrouvera les habituels rendez-vous réguliers tels le Film du Jeudi dédié aux classiques, Danse à la Cinémathèque qui fait écho aux programmes proposés par le Ballet du Capitole, L’Odyssée de l’Espace élaboré en partenariat avec le CNES et la Cité de l’Espace, ou encore La Production audiovisuelle en Région. Trois nouveaux rendez-vous seront proposés, notamment un partenariat avec l’ACID (Association du Cinéma indépendant pour sa Diffusion) et le cinéma Le Cratère, ou avec le Centre national de la Cinématographie pour parcourir l’histoire du cinéma français à travers les archives du CNC. Enfin, une exposition se prépare dès le début de l’année 2017 pour célébrer le vingtième anniversaire de l’installation de la Cinémathèque de Toulouse au 69 de la rue du Taur.
Jérôme Gac
photo : "Snake Eyes", A. Ferrara
Rétrospectives :
Jean-Charles Fitoussi, du 11 au 16 octobre ; Abel Ferrara, du 15 au 27 octobre.
Ciné-concert : "Le Trésor d’Arne", de Mauritz Stiller, mardi 18 octobre, 20h30.
La Cinémathèque de Toulouse, 69, rue du Taur, Toulouse. Tél. : 05 62 30 30 11.
Concert : Abel Ferrara, vendredi 21 octobre, 20h30, au Metronum,
2, rond-point Madame de Mondonville, Toulouse.
Libellés :
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