vendredi 8 septembre 2017

En attendant l’apocalypse


















Après des hommages rendus à Louis Delluc, Sergueï M. Eisenstein, Danielle Darrieux, Henri-Georges Clouzot, Costa-Gavras ou Samuel Fuller, la saison de la Cinémathèque de Toulouse s’achèvera avec les films de Francis Ford Coppola.


Si la saison de la Cinémathèque de Toulouse s’ouvre sur «Les films qu’il faut avoir vus», elle se poursuivra dans l’underground avec les œuvres du cinéaste anglais Derek Jarman, mort des suites du sida en 1994. La salle de la rue du Taur contribuera cet automne au centenaire de la Révolution russe en projetant cinq films commémoratifs produits par l’Union soviétique : quatre d’entre eux le furent pour le dixième anniversaire ("Octobre" d’Eisenstein, "La Fin de Saint-Pétersbourg" de Poudovkine, "La Chute de la dynastie des Romanov" d’Esther Choub, "Moscou en octobre" de Boris Barnet), et "Lénine en octobre" de Mikhaïl Romm pour le vingtième anniversaire, en 1937. Sergueï M. Eisenstein sera d’ailleurs à l’honneur avec une rétrospective au début de l’année, après Henri-Georges Clouzot à l’automne. 


Avant les fêtes, la Cinémathèque de Toulouse célèbrera le centième anniversaire de l’exquise Danielle Darrieux (photo), avant un hommage à Costa-Gavras, en sa présence. Au printemps, le cinéma militant sera à l’affiche, ainsi que les films du groupe Zanzibar, ce collectif d’artistes d’avant-garde et de cinéastes (Philippe Garrel, Jackie Raynal, etc.), actif à la fin des années soixante. Le cinéaste finlandais Aki Kaurismaki est attendu à Toulouse à l’occasion de la rétrospective qui lui sera consacrée au printemps. Deux cinéastes américains seront aussi à l’honneur cette saison: Samuel Fuller au cours de l’hiver, puis Francis Ford Coppola avant l’été. L’archive toulousaine s’intéressera également à Nollywood, à savoir le cinéma nigérien qui produit désormais chaque année, en vidéo, davantage de films qu’Hollywood. 

Deux thématiques interrogeront le cinéma : on se demandera «Qu’est-ce que le cinéma ?», et il sera question de «Je double et double jeu» ou comment jouer «sur les effets de ressemblance et la mise en scène du double, du mimétisme à la duplicité, de la dualité à l’unicité», précise Franck Lubet, responsable de la programmation. Si Extrême Cinéma poursuit sa route avec une dix-neuvième édition en préparation, le festival Histoires de Cinéma fera son apparition en novembre prochain. Cette nouvelle manifestation prend la place du festival Zoom Arrière avec l’objectif de mettre en lumière le patrimoine cinématographique par le biais de cartes blanches confiées à des invités. La Cinémathèque de Toulouse accueillera ainsi cette année la directrice de la photographie Caroline Champetier, le compositeur Bruno Coulais, les écrivains Yannick Haenel et Régis Debray, le cascadeur Rémy Julienne.

Enfin, Louis Delluc - l’inventeur du terme «cinéaste» - sera le fil rouge de la riche saison de ciné-concerts. Comme l’assure Franck Lubet, «à une époque où le cinéma était encore méprisé, Louis Delluc lui a donné ses lettres de noblesse. D’abord par la plume, créant une véritable ligne critique, puis derrière la caméra, impulsant la première avant-garde française, l’impressionnisme, aux côtés de Gance, Dulac, Epstein, L’Herbier et Clair. Le tout sur une période très courte, de 1917 à sa mort prématurée en 1924. Il faut revoir ses films d’une prophétique modernité. Par la sobriété du jeu et l’utilisation des décors naturels. Dans sa manière de saisir l’invisible, les sentiments, à travers la composition de ses plans. Louis Delluc croit en l’image et travaille ses cadres pour en faire le principal vecteur d’expression. Sous sa plume, le cinéma est sorti de sa chrysalide. Sous sa caméra, il a pris un nouvel envol. Maudits comme on dit des poètes, ses films ont subi l’emprise du temps. En reste cinq des sept qu’il a réalisés. Restaurés, nous pourrons les redécouvrir en regard de quatre films américains majeurs sur lesquels il a écrit.»


Jérôme Gac


«Les films qu’il faut avoir vus», du 12 au 27 septembre,
«Je double et double jeu», du 11 au 31 octobre,
«Octobre 17», du 14 au 27 octobre.


Présentation de la saison, jeudi 14 septembre, 18h00,
à la Cinémathèque de Toulouse
, 69, rue du Taur, Toulouse.
Tél. : 05 62 30 30 11.


mardi 5 septembre 2017

Groland is in the air


















La sixième édition du Festival international du Film grolandais de Toulouse célèbre Kenneth Anger et invite Alain Guiraudie, Xavier Seron, Pierre Salvadori, etc.


Projections de courts et longs inédits, documentaires, rétrospectives, performances, concerts, rencontres littéraires sont au menu du Festival international du Film grolandais de Toulouse ! Pour cette passionnante et foisonnante édition, le sixième jury chargé de remettre l’Amphore d’or du film le plus grolandais pioché dans la compétition sera présidé par l’excellent cinéaste Pierre Salvadori. Ce dernier sera en belle compagnie puisque entouré notamment de l’acteur Daniel Prévost, des humoristes Blanche Gardin et Stéphane Guillon, de l’écrivain Jean-Hugues Oppel, etc. et toujours les indétrônables Jean-Pierre Bouyxou et Noël Godin - membres à vie du jury. Le public est lui aussi invité à décerner son prix parmi ces films «d’esprit grolandais», ainsi qu’un jury constitué d’étudiants de l’École supérieure d’Audiovisuel (Esav). 


Plusieurs ouvrages concourent également pour le Gro prix de littérature grolandaise, dont un "Manuel à l’usage des femmes de ménage", un ouvrage collectif intitulé "les Homophobes sont-ils des enculés ?", un recueil de textes parus dans la presse signés Jean-Bernard Pouy, ou encore 132 chroniques de Christophe Bier pour France Culture regroupées dans "Obsessions"… Pour l’occasion, des rencontres avec les auteurs sont organisées à la Cave Poésie, à Ombres Blanches et à la librairie du Grand Selve.


Parmi la centaine de projections annoncée à Toulouse et au-delà, Fifigrot célèbre cette année le quatre-vingt-dixième anniversaire de Kenneth Anger, cinéaste culte underground. Rassemblées sous le titre "Magick Lantern Cycle", ses œuvres les plus connues seront visibles à la Chapelle des Carmélites, tout comme son ésotérique "Inauguration of the Pleasure Dome" projeté en format 16 mm d’origine et accompagné de performances. Alors que les courts métrages insensés de David Lynch seront à l’affiche de l’American Cosmograph, son premier long, "Eraserhead", le sera au Cratère. On retrouvera l’indispensable Alain Guiraudie venu présenter ses deux moyens métrages et son premier long, on reverra trois films du Suédois Roy Anderson et ceux de l’Américain Harmony Korine. Le réalisateur Belge Xavier Seron sera à l’honneur le temps d’une longue soirée de projections au Gaumont Wilson. 


Au lendemain de la projection à l’American Cosmograph du film d’ouverture en avant-première, "The Square" (photo) du Suédois Ruben Östlund palmé à Cannes, les fans de la drive-in attitude sont attendus sur le parking de Mix’Art Myrys pour apprécier le délirant "Hamburger Film Sandwich", de John Landis, accompagné d’une sélection de courts-métrages, de performances, concerts, etc. Un hommage sera rendu au mouvement Panique - né dans les années 1960 autour d’esprits libres et transgressifs - avec des films de Fernando Arrabal ou Alejandro Jodorowsky, et une exposition dédiée à Roland Topor aux Abattoirs. Le musée accueille également l’Américain Mother Fakir venu exhiber la dernière version déchirante de sa performance "Karrosserie", où se mêlent le métal, la chair percée, la vidéo et les son mixés dans un rituel tranchant. Au Théâtre Garonne, on s’immergera dans les 52 épisodes du "Dispositif" monumental de Pacôme Thiellement et Thomas Bertay.


La sélection Gro’Z’ical propose cette année une plongée dans le Berlin-Ouest de l’après punk, autour des Geniale Dilletanten («dilettantes géniaux»). Une exposition au Goethe Institut racontera comment ce mouvement artistique et alternatif des années quatre-vingt a opéré une rupture brute avec les conventions de l’époque, fondant des labels, des magazines et boîtes autonomes pour célébrer une liberté créatrice sans règles. Signalons une carte blanche confiée aux Québécois du Festival du Nouveau Cinéma de Montréal, et les traditionnelles sections Made In Ici, Jeune Public, Gro Guest, etc. 


Toujours en partenariat avec le collectif Culture Bar Bars, les ciné-bistrots s’installent cette année dans une douzaine de troquets : l’Esquile, le Taquin, Le Chat Noir, le Nasdrovia, le Txus, La Mécanique des Fluides, L’Impro, Le Moloko, Le Communard, Le P’tit London, Le Petit Vasco, L’Autruche. Surtout, le grovillage installé dans la cour de l’Esav accueillera chaque soir moult animations grolandaises et autres concerts gratuits. Et en clôture des festivités, des concerts se déploieront le 23 septembre autour du musée des Abattoirs. Banzai !


Jérôme Gac



Fifigrot, du 15 au 24 septembre, à Toulouse ;
Grovillage, de 12h00 à 22h00, à l’Esav,
56, rue du Taur, Toulouse.