jeudi 31 mai 2018

La famille, le pouvoir et le temps




















À la Cinémathèque de Toulouse, vingt films retracent la carrière du scénariste et réalisateur américain Francis Ford Coppola.
 

La rétrospective dédiée à Francis Ford Coppola à l’affiche de la Cinémathèque de Toulouse permettra de prendre la mesure d’une riche filmographie cachée derrière quatre films légendaires inscrits au panthéon de l’histoire du cinéma. Derrière ces immenses icebergs que sont la trilogie du "Parrain" et "Apocalypse Now", le cinéaste américain se révèle un artiste prolifique mais à la carrière chaotique. Après un premier long métrage en 1961, "Tonight for sure", il travaille auprès de Roger Corman jusqu'en 1968, notamment sous le pseudonyme de Thomas Colchart, comme assistant, directeur de la photographie, ingénieur du son, producteur ou réalisateur de seconde équipe pour des films d'épouvante et d'aventure. Réalisateur de "Dementia 13" en 1963, il signe également durant ces années le scénario de "Propriété interdite" de Sidney Pollack, "Paris brûle-t-il ?" de René Clément, "Reflets dans un œil d'or" de John Huston, etc. 

Entré dans le moule hollywoodien, il réalise pour la Warner Bros en 1968 "la Vallée du bonheur", comédie musicale avec Fred Astaire, et enchaîne avec une œuvre singulière, "les Gens de la pluie", qui met en scène la rencontre de deux solitudes, un homme et une femme perdus dans l’Amérique des motels et des grandes villes. Il devient alors la figure de proue du Nouvel Hollywood, cette génération de jeunes réalisateurs (Steven Spielberg, Brian De Palma, Martin Scorsese, George Lucas) prêts à conquérir la planète cinéma. Plus connue, la suite est retracée au fil de la rétrospective toulousaine : "Le Parrain" en 1972, avec notamment Marlon Brando, suivi d’un deuxième opus, puis "Apocalypse now" en 1979 et "le Parrain III" en 1990.
 

Si le cinéma de Coppola prend des formes aux styles très variés, et navigue sans cesse entre œuvres modestes et grosses productions, il s’appuie en permanence sur un matériau thématique lié au pouvoir et à sa transmission. En 1972, époque du Watergate, "Conversation secrète", avec Gene Hackman, est une réflexion politique sombre sur les écoutes téléphoniques organisées par le pouvoir. "Apocalypse now", d’après "Au coeur des ténèbres" de Joseph Conrad, est une vision froide et féroce des dérives du pouvoir, avec Marlon Brando en despote retranché dans une jungle coupée du monde et du temps. 

Le temps est une autre permanence du cinéma de Coppola, où le pouvoir est soumis à des enjeux de transmission, en particulier au sein de la famille comme dans les trois époques du "Parrain", ou dans "Tetro" (2009) confrontant deux frères vivant dans l’ombre d’un père chef d’orchestre et despotique. Le cinéaste manie souvent le flash-back avec acuité et place la question du temps au cœur de plusieurs de ses films : "Peggy Sue s’est mariée" (1986) fait revivre le passé de l’héroïne, "Dracula" (1992) est le portrait d’une créature immortelle, "Jack" (1996) est un enfant de 10 ans vivant dans le corps d’un homme de 40 ans, "l’Homme sans âge" (2007) est un septuagénaire qui rajeunit. Le cadre familial est omniprésent dans le cinéma de Coppola – dont la fille Sofia est cinéaste et le fils Roman est scénariste : "Outsiders" (1982) et "Rusty James" (1983), par exemple, ou encore "Tetro", s’intéressent à des fratries.

Enfin, si le cinéaste est l’auteur de deux comédies musicales ("la Vallée du bonheur", et "Coup de cœur" en 1982), la musique occupe une place primordiale dans plusieurs de ses œuvres, par exemple à travers le personnage du père chef d’orchestre de "Tetro", ou encore les jazzmen côtoyant des gangsters dans "Cotton Club" (1984). Et l’image la plus célèbre de sa filmographie n’est-elle pas le ballet des hélicoptères évoluant dans "Apocalypse now" au rythme de "la Chevauchée des Walkyries", de Richard Wagner ? En 1988, il s’intéressera de nouveau au conflit vietnamien dans "Jardins de pierre", où il filme un parterre de pierres tombales sur fond d’un trio de Franz Schubert.
 

Jérôme Gac
F. F. Coppola © collections La Cinémathèque de Toulouse

 

Rétrospective, du 1er au 30 juin ;
Exposition «Francis Ford Coppola, parrain du Nouvel Hollywood»,
jusqu’au 1er juillet.
 

À la Cinémathèque de Toulouse, 69, rue du Taur, Toulouse. Tél. : 05 62 30 30 11.

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